Les tribulations d'un vacancier en fauteuil roulant

Depuis quelques mois, je cherchais où passer mes vacances. Un jour, je tombai sur l'annonce de Marc et Chantal dans le Journal de Béthanie qui disait qu'ils voulaient recevoir des handicapés au mois de Juillet dans leur pays (le Doubs). J'écrivis, et le 3 Juillet, je partis à Poitiers pour prendre le train pour Paris. Deux camarades qui m'accompagnaient jusqu'à la gare, m'installèrent avec l'aide d'une charmante hôtesse de l'accueil.

Quand je voyage, on me met près des WC ; étant muet, j'écris sur une ardoise pour me faire comprendre. J'avais écrit avant que le train n'entre en gare à l'intention de ceux qui me descendraient du wagon de me conduire avec mes bagages à l'accueil. L'employé qui était chargé de s'occuper de moi (peut-être était-il complètement miro, ou il avait décidé que j'étais débile), ne daigna pas jeter un regard sur mon ardoise. Une voyageuse, en voyant mes gestes désespérés, s'approcha gentiment et lut ce que je voulais dire.

J'avais rendez-vous à l'accueil de la gare d'Austerlitz, mais il n'y avait pas de trace de Marc.

Plusieurs minutes passèrent. Enfin, parurent trois jeunes hommes avec le type d'un pays qui se trouve de l'autre côté de la Méditerranée. Ils m'emmenèrent auprès de notre car. Marc était au volant ; il avait quitté la gare quand Madame Colas, sa mère, s'aperçut en regardant la liste des vacanciers qu'il manquait une tête de pipe - c'était moi. Comme me l'avait dit Pierre Leflon, je retrouvai les deux Dédé.

Le voyage commença. Nous passons à travers le département de l'Yonne, et puis près de Dijon. Le lendemain, on constate que les deux compatriotes de Kader avaient disparu. Ils étaient partis sans laisser un mot d'explication. Le départ de ces deux charlots resta sur l'estomac de Chantal et Marc, qu'ils connaissaient car ils avaient fait plusieurs séjours de vacances de l'APF. Kader seul restait fidèle au poste. Il n'y avait plus que 3 valides pour 6 fauteuils - grosse panique à bord.

Cela s'arrangea plus ou moins. Madame Colas était venue pour se reposer ; elle a travaillé toutes ses vacances !

Le Doubs est une région d'élevage. On entend dans les prés les clochettes des vaches. Les montagnes du Jura dans le Doubs sont boisées de conifères qui poussent naturellement, ou plantés de la main d'hommes. On voit quelquefois des buses qui planent, poussant leur cri de chasse.

L'auberge dans laquelle se déroula le camp s'appelle "le gîte", que Chantal et Marc venaient d'acheter. Marc travaille en Suisse pendant l'été mais il voulait en hiver s'occuper de l'auberge et servir de guide aux clients. Chantal fait très bien la cuisine. Ils ne referont plus l'expérience de recevoir des handicapées car ils ont reconnu que le "gîte" n'était pas conçu pour cela.

Il y a de magnifiques paysages dans le Doubs. La route qui conduit au village des Fourgs où se trouve "le gîte" passe entre deux rochers abrupts. Sur l'un se dresse le château de Joux. Marc quitta sa place à la fin de la première semaine. Un jour, nous sommes allés à la source du Lison. La route montait en épingle à cheveux et elle descendait le versant pour arriver à la source. Elle sort en cascade par une grotte ; c'est un joli tableau. On profité d'un jour où il faisait beau pour aller en Suisse au bord du lac de Neufchatel. Nous avons déjeuné sur l'herbe. Bien que la Suisse ne fasse pas partie du marché commun, il ne faut pas de passeport pour traverser la frontière : une carte d'identité suffit.

Comme dans toutes les régions montagneuses, il y a deux saisons touristiques. En été, les gens visitent et ils font du ski en hiver. Depuis quelques années, on a importé des chiens de traîneau du grand Nord de l'Amérique. Le traîneau à chien est devenu un nouveau sport.

Pendant mon séjour, le temps ne fut pas tellement beau et le mauvais sort nous poursuivait. Les derniers jours, Marc a été obligé de rendre le petit car. Il a pu avoir une voiture rapide pour reconduire à Paris les deux Dédé et moi.

Nous sommes arrivés dans des temps record à la gare d'Austerlitz. Kader et Marc me laissèrent à l'accueil où j'attendis plusieurs heures.

Deux employés me mirent dans un wagon avec les autres voyageurs ; on avait enlevé deux sièges pour me caser avec mon fauteuil et mes bagages. J'ai fait le trajet agréablement de Paris à Poitiers.

René Chausboeuf alias Papy Pop


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